Réintroduire une espèce oubliée sur un territoire délaissé du public : le cas de la cistude d'Europe sur le site du Woerr en Alsace
Véronique Philippot  1@  , Jean-Yves Georges  2@  
1 : Naturum Etudes Bureau d'études
Naturum Etudes Bureau d'études
rue RogerSalengro 37000 Tours -  France
2 : Département Ecologie, Physiologie et Ethologie  (DEPE-IPHC)
CNRS : UMR7178, université de Strasbourg
23, rue Becquerel 67087 Strasbourg Cedex 2 -  France

 

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Depuis 2013, l'Alsace accueille un programme initié par le Conseil Départemental du Bas-Rhin de lâchages de cistudes d'Europe Emys orbicularis, sur le site restauré du Woerr (Lauterbourg) à la frontière franco-allemande. Des enquêtes ethnographiques ont été menées en 2017 pour contribuer à l'évaluation socio-écologique de ces actions de conservation de cette petite tortue d'eau douce. Les connaissances, représentations et opinions sur cet animal et sur le lieu d'accueil ont été évaluées au sein d'un échantillon de 40 acteurs et d'observateurs concernés ou potentiellement intéressés. Elles révèlent d'abord que la cistude est méconnue de la population régionale et que la décision institutionnelle de son retour en Alsace repose essentiellement sur l'idéologie d'un naturaliste dont les fonctions territoriales ont facilité, dans le contexte protectionniste favorable de l'époque, la mise en œuvre de ce projet. L'image globalement sympathique de la tortue en fait un symbole de restauration des milieux humides et un émissaire des actions réparatrices vis-à-vis de la nature. La question de l'indigénat de la cistude en Alsace, impossible à trancher dans l'état actuel des connaissances, a été au cœur d'une polémique dont les postures et le bien-fondé sont discutés. Elle révèle des problématiques plus profondes comme le fait de monopoliser efforts et moyens sur une espèce ayant disparue au détriment d'autres espèces vulnérables sur des sites ne faisant pas l'objet de telles mesures de protection à l'échelle régionale. L'étude met également en lumière les raisons du choix du site d'accueil par le conseil départemental, essentiellement en lien avec ses atouts écologiques et l'opportunité administrative d'une carrière en fin d'exploitation. Nos enquêtes ont aussi montré que les relations établies entre la population riveraine et ce territoire inféodé aux zones humides est chargé d'une histoire pouvant générer des souvenirs collectifs ou personnels sources de malaise. Enfin, est présentée une analyse des rapports des usagers et des acteurs à cet espace, lequel bénéficie aujourd'hui de mesures de protection de la nature en son cœur (espace naturel sensible et réserve biologique domaniale) et de mesures sécuritaires déplaisantes en sa périphérie liées à la présence d'un site industriel de dimension internationale. Cependant, notre étude montre que le devenir écologique de la zone humide du Woerr est source de satisfaction chez une grande majorité des acteurs et observateurs enquêtés, à la fois au regard de l'aventure humaine que le programme a générée que dans une perspective naturaliste.


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