Les nuisibles arrivent en ville. Représentations et opinions des français.
Véronique Philippot  1@  , Sandrine Glatron  2, *@  
1 : Naturum Etudes Bureau d'études
Naturum Etudes Bureau d'études
rue RogerSalengro 37000 Tours -  France
2 : Laboratoire DynamE CNRS / Université de Strasbourg, Misha, Strasbourg
CNRS : UMR7367
* : Auteur correspondant

 

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Depuis le Néolithique, l'Homme doit faire face aux espèces concurrentes qui perçoivent le bétail comme des proies faciles et la concentration de la ressource végétale dans les cultures comme une aubaine. La défense de ce qui est considéré comme des biens passe par une logique de lutte induisant généralement la mise à mort d'animaux devenus nuisibles. La chasse, fortement ancrée dans la ruralité française, s'est ainsi institutionnalisée depuis le Moyen-âge. Cependant, l'urbanisation et le productivisme agricole poussent certains Vertébrés susceptibles de provoquer des dégâts vers les zones urbaines où ils trouvent refuge et nourriture. La nouvelle cohabitation forcée génère des tensions auxquelles les traditionnelles méthodes cynégétiques ne peuvent répondre aisément. Soixante-dix informateurs, ruraux ou urbains, répartis dans six zones géographiques françaises, ont été sondés sur la question de l'intrusion en ville d'animaux appartenant au bestiaire rural tels que le renard roux Vulpes vulpes, le sanglier Sus scrofa, le blaireau Meles meles et les corvidés (surtout le corbeau freux Corvus frugilegus et la corneille noire Corvus corone). Les enquêtes ethnographiques permettent de mieux cerner les perceptions et connaissances mobilisées pour la construction d'opinions sur cette nouvelle cartographie biologique et l'avenir que le citadin veut leur réserver en ville. Concernant le renard pour lequel les informateurs ont été proxiles, il s'agit du premier animal, devant le sanglier, spontanément cité comme nuisible bien que cette idée ne soit justifiable que pour une minorité. L'animal, fort symbole de la ruralité, est plutôt perçu positivement et son apparition dans les villes peut être associée à une image d'heureuse renaturalisation. Les informateurs se représentent le renard surtout comme le mangeur de poules et le prédateur à la campagne tandis qu'il devient le fouilleur de poubelles et l'opportuniste en ville. Globalement, ils ne croient pas en sa pullulation en zone rurale et, si tel est le cas localement, ceci trahirait des erreurs humaines comme l'élevage intensif. L'idée qu'il prolifère en ville apparaît comme plausible en raison de son adaptabilité. Cela stigmatise les comportements vicieux humains tels le gaspillage alimentaire. L'idée de risque sanitaire traditionnellement associé au renard rural avec la rage est encore bien ancrée chez la moitié des informateurs mais ce risque, timidement pointé du doigt pour le renard urbain, se focalise plutôt autour de l'échinococcose alvéolaire. Nos enquêtes montrent que les populations vulpines urbaines sont perçues, soit comme des victimes de l'expansion territoriale des villes soit comme une intrusion du sauvage en ville, ce qui crée un désordre mental. Les discours sur les autres animaux reprennent des idées développées pour le renard, avec les spécificités liées aux taxons et tournent autour des notions d'espèces gagnantes ou généralistes qui savent s'adapter aux activités humaines et aux perturbations qu'elles génèrent. Les propositions de gestion de ces dits nuisibles en ville sont multiples selon les sensibilités, entre laisser faire, écarter ou vivre avec. Cette problématique est assimilable à celle des espèces invasives.

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