Gouverner les inondations par la modélisation. Réflexion sur les conditions sociales de production et d'usage de « l'ingénierie virtuelle »
Rémi Barbier  1, *@  , Faustine Aliotti  2@  , Isabelle Charpentier  3, 4, *@  
1 : Gestion Territoriale de lÉau et de lénvironnement
Ecole Nationale du Génie de l'Eau et de l'Environnement de Strasbourg
2 : Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature
Minitère de Transition Ecologique et Solidaire
3 : LTSER France, Zone Atelier Environnementale Urbaine  (ZAEU)
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3, rue de l'Argonne, F-67000 Strasbourg -  France
4 : Laboratoire des sciences de l'ingénieur, de l'informatique et de l'imagerie  (ICube)
Université de Strasbourg, CNRS : UMR7357
2, rue Boussingault - F-67000 Strasbourg -  France
* : Auteur correspondant

L'essor des politiques environnementales a été accompagné par la prolifération de savoirs d'action publique, recourant à des méthodologies, disciplines, épistémologies très diverses (Barbier et al., 2020). En particulier, les modèles numériques mis en œuvre dans le contexte de « l'ingénierie virtuelle » (Landström et al., 2011), sont devenus des éléments essentiels de la gestion de l'eau dans les bassins versants (Chong, 2019). Se pose alors la question de la construction de la confiance dans ces modélisations, donc des critères qui permettent de juger de leur qualité et en particulier d'apprécier la manière dont les incertitudes inhérentes à ce type de démarche sont prises en compte et explicitées tout au long du processus.

Notre communication présente les résultats de deux projets de recherche interdisciplinaire sur les modélisations élaborées en vue des Plans de prévention du risque inondation (PPRI).

Dans un premier temps, nous abordons le problème de la confiance sous l'angle des services de l'État commanditaires de modélisations réalisées par des bureaux d'études. Nous rendons compte de la pratique de commande puis de pilotage et de validation de ces modélisations par des agents impliqués dans ces procédures relevant de ce qu'on peut appeler « l'hydrologie réglementaire ». La question posée est globalement la suivante : comment se forgent et s'apprécient, de l'écriture du cahier des charges à la validation finale des résultats, en passant par les multiples interactions tout au long de la réalisation du travail, les garanties sur l'aptitude à l'emploi des résultats issus du travail de bureaux d'études qui interviennent dans un cadre de prestation économique et (généralement) d'asymétrie de compétences en leur faveur ?

Dans un second temps, nous contribuons à l'élaboration des outils et méthodes de mise en visibilité des incertitudes et d'indices de qualité tout au long de la démarche de modélisation, développés avec l'appui de modélisateurs (Aliotti, 2019). L'objectif est d'« équiper le jugement » du gestionnaire pour la décision publique. A cet effet, la méthode NUSAP (Numeral, Unit, Spread, Assessment, Pedigree), développée et mise en œuvre aux Pays-Bas depuis les années 1990 (Funtowicz et Ravetz, 1990), a été mobilisée pour élaborer un outil d'analyse de l' « aptitude à l'emploi de la connaissance ».

Aliotti F, Comment ouvrir la boîte noire de la modélisation hydrologique : Une approche par le pédigrée, mémoire de fin d'études ENGEES, 2019.

Barbier R. et al., Des études ont montré..., in Barbier et al. (dir), L'environnement en mal de gestion, 2020, PUS

Chong N., Beyond evidence-based decision-support: exploring the multi-dimensional functionality of environmental modelling tools, doctorat en Sciences de l'Environnement, Université Paris Est, 2019.

Funtowicz S.O. et Ravetz J.R. Uncertainty and Quality in Science for Policy. Theory and Decision Library Series A, Philosophy and Methodology of the Social Sciences, Kuwer Academic Publishers, Dordrecht, 1990, vol. 15.

Landström C., Whatmore S., Lane S., Virtual engineering: Computer Simulation Modelling for Flood Risk Management in England, Science Studies, 2011, 24(2), pp. 3-22.


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