L'étonnant terroir de Savennières est l'expression d'une géomorphologie de petits vallons en dialogue avec le fleuve, les « célèbres coulées ». Il est aussi un paysage-mémoire d'une expérimentation pluri-centenaire de la conduite de la vigne et du vin. Introduite au VIIème siècle, fief des moines de l'Abbaye bénédictine de Saint-Nicolas d'Angers au XIIe s. et de la Châtellenie de la Roche au Duc au XIVe s., la culture de la vigne et du vin ne cessera d'évoluer au fil du temps, en lien avec le développement d'une économie viticole spéculative. Closeries, manoirs, gentilhommières et châteaux de villégiature, leurs parcs, leurs mises en scène dans le paysage et leurs vignobles nous parlent de cette histoire et de l'évolution du regard de l'homme sur son environnement naturel.

Cette tradition d'avant-garde est toujours d'actualité. Les vignerons de Savennières s'engagent dans une gestion agroécologique du paysage de vigne. Elle fait appel aux sciences de la biologie végétale et animale, celle de l'agroforesterie et des plantes bio-indicatrices ainsi que celles du comportement des chauves-souris prédatrices des insectes - ravageurs de la vigne. C'est une gestion écosystémique du paysage dont le vigneron ne constitue qu'une des clés.

Cette communication se propose de caractériser ce paysage patrimonial viticole et sa possible contribution aux défis actuels de l'AOC et de son cépage chenin, celle d'une écologie du paysage pour une éthique, une exigence de production de grands vins fins dans un contexte d'évolution climatique très rapide et de nouvelles approches commerciales comme l'oenotourisme, puissant outil de marketing fondé sur la valorisation culturelle des paysages.

Elle posera, en conclusion, les possibles critères à intégrer dans le cahier des charges de l'appellation pour le maintien de cette harmonie paysagère, voire de sa modélisation, et l'affirmation d'une philosophie alternative de la nature défendue par l'Académie du Chenin.