Un objet multidimensionnel et cloisonné

Les friches comptent parmi les objets multidimensionnels des socio-écosystèmes urbains produites par des processus variés et dont les formes de vie, les matérialités, les usages, les temporalités sont d'une grande diversité. Objet de recherche complexe, situé par essence, la friche urbaine est un temps ouvert dans la ville que l'on peine à saisir en dehors d'une perspective non cloisonnée. Nous posons l'hypothèse qu'une méthode de recherche multi-située et incrémentale permet de déconstruire les approches cloisonnées de la recherche sur les friches urbaines. 

Un protocole de recherche multi-situé et incrémental

Le projet INTER-FRICHES est porté par un collectif de chercheurs français, belges et suisses depuis 2019. Le projet s'appuie sur un réseau, des comités d'organisation locaux par atelier et un comité de pilotage[1]. Chaque comité d'organisation s'associe à des partenaires locaux pour l'organisation des ateliers : (1) Saint-Denis début 2019 ; (2) La Louvière et (3) Nanterre fin 2019, et deux autres ateliers prévus en 2021. Le comité de pilotage est le garant de la démarche de recherche et a pour ambition de réfléchir le protocole de recherche multi-situé et incrémental pour répondre à cet objectif de décloisonnement des approches sur les friches urbaines.

Ateliers collectifs: moments d'expérimentation dans un emboîtement de temps successifs

Le projet repose sur l'organisation de moments d'expérimentation au calendrier arrêté (Arab, 2018, p.229), inséré dans le temps plus long du projet urbain. Par un temps fort de quelques jours, le rassemblement d'acteurs du territoire, d'étudiants et de chercheurs issus de différents champs disciplinaires (architecture, aménagement, écologie, paysage, urbanisme etc.) est plongé dans l'in situ d'un lieu (Matthey, 2013). Un programme de temps d'exploration et de partage de connaissances produit des inattendus par des associations interpersonnelles et intersubjectives qui ne peuvent pas être anticipées. Dépassant le cloisonnement de différents points de vue (Garcia et Vaxevanoglou, 2009) en s'incarnant en un lieu, l'atelier collectif produit une matière de recherche à la fois vaste, partielle et difficile à synthétiser. C'est par l'accumulation des connaissances obtenues par ces différentes expériences singulières que nous parvenons à l'objectivation a posteriori, en isolant trois outils de recherche permettant de saisir de manière interdisciplinaire le temps ouvert de la friche urbaine : la chronologie, le système des formes de vie et la représentation cartographique. Nous proposons de revenir sur les trois premiers ateliers inter-friches pour réfléchir à cette démarche par incrémentation.

[1] Le comité de pilotage du réseau Inter-friches comprend le laboratoire Géographie-cités (Paris), la Faculté d'Architecture et d'Urbanisme (Mons), l'Ecole d'Urbanisme de Paris, le laboratoire CITERES (Tours), l'Institut de la GEDT (Genève) et l'équipe TVES (Lille). 

Références : 

ARAB N., “Pour une théorie du projet en urbanisme”, Revue européenne de sciences sociales, 2018-1, p.219-240.

GARCIA, XENOPHON, VAXEVANOGLOU, “Le travail est-il une activité collective interdisciplinaire ?” Esprit critique 2009, 12-1

MATTHEY L., “Les faiseurs de paysage. Ethnographie d'un projet urbain” L'information géographique, 2013/1, vol.77.

PINSON, G. Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes. 2009, Paris. Sciences Po Les presses.