Trajectoires du système agri-alimentaire en France de 1852 à 2014 et scénarios pour le futur: évaluations environnementales
Josette Garnier  1, 2@  , Gilles Billen  2, 3@  , Julia Le Noë  4, 3@  , Vincent Thieu  3@  
1 : Université Pierre et Marie Curie - Paris 6  (UPMC & CNRS)  -  Site web
Université Pierre et Marie Curie (UPMC) - Paris VI, CNRS : UMR7619, FIR
Box 105, 4 place Jussieu - 75005 Paris -  France
2 : CNRS
CNRS : UMR7619
3 : Université Pierre et Marie Curie - Paris 6
Université Pierre et Marie Curie (UPMC) - Paris VI, CNRS : UMR7619, FIR
4 : Institute of Social Ecology Department of Economics and Social Sciences, University of Natural Resources and Life Sciences, Wien, Austria  (SEC)

Le système agri-alimentaire de la France a été analysé l'échelle de 33 régions de 1862 à 2014, sur la base des statistiques agricoles, selon la méthode GRAFS (Generalized representation of the agri-food systems). Les changements les plus évidents en termes d'azote sont une intensification de l'agriculture, grâce à l'utilisation du procédé Haber-Bosch qui a permis une utilisation massive d'engrais minéraux industriels, après-guerre. Alors caractérisés par un système de polyculture-élevage, cette intensification s'est accompagnée d'une spécialisation des systèmes agricoles soit vers l'élevage intensif ( par ex. en Bretagne), soit vers la grande culture céréalière (par ex.en Beauce, Brie et Picardie). Dans les années 1980, cette spécialisation s'accompagne d'une ouverture des cycles biogéochimiques, avec des exportations de céréales et des importations de soja.

Les impacts environnementaux de ce système agricole intensif et spécialisé sont d'autant plus évidents depuis que les eaux usées domestiques sont traitées efficacement (déphosphatation, et nitrification-dénitrification depuis les années 2000-2010). L'eutrophisation côtière et les émissions de protoxyde d'azote (N2O, puissant gaz à effet de serre, GES) restent ainsi des enjeux majeurs de ce 21ème siècle. 

Deux scénarios contrastés de l'évolution future du système agri-alimentaire ont donc été construits, l'un poursuivant l'ouverture et la spécialisation du système (O/S), l'autre privilégiant l'autonomie, la reconnexion locale des systèmes agricoles et un régime demitarien pour l'alimentation humaine, comportant moitié moins de protéines animales (A/R/D). En termes d'émissions de GES par l'agriculture, le scénario A/R/D simule un retour aux niveaux des années 1955, alors qu'une poursuite de la tendance actuelle augmenterait encore de 30% ces émissions de GES d'origine agricole. Le couplage de l'approche GRAFS avec Riverstrahler, modèle biogéochimique du continuum aquatique, a permis d'explorer ces scénarios en terme de qualité de l'eau. Pour le scénario radical A/R/D, avec une réduction d'environ 50% des flux d'azote à la zone côtière par rapport à la situation actuelle, le potentiel d'eutrophisation serait réduit de 60-70%. En revanche, le scénario O/S, malgré l'application des réglementations agricoles actuelles, ne réduirait que de 15% les flux d'azote et de seulement 20% le potentiel d'eutrophisation.

Cette étude sur le long terme, en montrant quels ont été les moteurs des changements des systèmes agri-alimentaires au cours d'un peu plus d'un siècle, a permis de construire des scénarios, qui s'ils sont extrêmes n'en sont pas moins réalistes dans leurs hypothèses, car à la fois basés sur les trajectoires du passé et les signaux faibles du présent. L'objectif est donc de poursuivre, dans les territoires et avec les acteurs, l'analyse des systèmes agri-alimentaires pour élaborer de nouveaux scénarios de reconnexions socio-écologiques, qui pourraient mieux tenir compte des spécificités territoriales.


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